Fouquet, Jean

Dates :

v. 1420 - entre 1478-1481

Profession principale :

Médaillon : autoportrait de Jean Fouquet, Jean Fouquet, v. 1452-1455, émail peint, ø 7,5 cm, Paris, musée du Louvre, Département des Objets d’art du Moyen Âge, de la Renaissance et des temps modernes, 0A 56.
Crédits : Photo © 2017 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

Œuvres notables

Portrait de Charles VII, v. 1450-1455, huile sur bois, 99 x 84 cm, Paris, musée du Louvre.
La Vierge et l’Enfant entourés d’anges, v. 1452-1455, huile sur bois, 94 x 85 cm, Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten. (Volet droit du Diptyque de Melun).
Étienne Chevalier présenté par saint Étienne, v. 1452-1455, huile sur bois, 94 x 85 cm, Berlin, Staatliche Museen, Gemäldegalerie. (Volet gauche du Diptyque de Melun).
Heures d’Étienne Chevalier, v. 1452-1460, manuscrit dispersé.
Portrait de Guillaume Jouvenel des Ursins, v. 1460-1465, huile sur bois, 93 x 73 cm, Paris, musée du Louvre.
Pietà, v. 1460-1465, huile sur bois, 146 x 237 cm, Nouans-les-Fontaines, église paroissiale.
Autoportrait, v. 1452-1455, cuivre, émail bleu sombre et doré, Ø 7,50 cm, Paris, musée du Louvre.


 

Jean Fouquet, qui vit le jour à Tours vers 1420, fut l’un des plus importants peintres et enlumineurs français de la seconde moitié du XVe siècle. Peu de documents le concernant sont parvenus jusqu’à nous et aucun ne permet d’éclairer l’histoire d’une œuvre conservée. Dans ces conditions, l’élaboration d’un corpus a été délicate et de nombreuses œuvres ont été attribuées à l’ « atelier de Fouquet ». La question des personnalités qui gravitaient autour du maître est d’autant plus importante lorsqu’on sait qu’une source du XVIe siècle nous apprend qu’il eut deux fils, François et Louis, qui furent également peintres [cat. expo. 2003, p. 24]. L’un d’eux serait, selon François Avril [cat. expo. 2003, p. 18-28], le Maître du Boccace de Munich, un enlumineur fortement imprégné de l’art du Tourangeau et qui serait l’auteur des images d’une traduction du De Casibus de Boccace (Munich, Bayerische Staatsbibliothek) et de celles des Antiquités judaïques (Bnf, ms. fr. 247).

 

Un artiste polyvalent

Bien qu’il soit aujourd’hui connu pour les portraits et les miniatures qu’il peignit pour les plus hauts dignitaires du royaume, Fouquet était un artiste polyvalent qui fut sollicité pour des travaux très divers. Outre les modèles qu’il pouvait fournir pour des vitraux ou des tapisseries [cat. expo. 2003, cat. 18 et 19], il s’occupait de la préparation d’évènements festifs comme lorsque la Municipalité de Tours le chargea de la l’organisation de mystères prévus pour l’entrée royale de 1461. À cette occasion, il fut par ailleurs invité à donner son avis sur un Dais de soie destiné à abriter le roi pendant le défilé, signe de la notoriété et de l’autorité qu’il avait déjà acquises à cette date. En 1474, il travailla conjointement avec le sculpteur Michel Colombe à l’élaboration d’un modèle pour le tombeau de Louis XI dans l’église Notre-Dame de Cléry. Le monument ne fut jamais réalisé. Pourtant, le peintre apporta satisfaction à son illustre commanditaire puisque l’année suivante, il apparaît comme « peintre du roi » dans les comptes royaux.

 

Fouquet portraitiste 

Les talents de portraitiste de Fouquet étaient déjà reconnus de son vivant. D’après l’architecte et sculpteur Filarete et le dominicain Francesco Florio, il réalisa lors d’un séjour en Italie au cours des années 1440 le Portrait du pape Eugène IV entouré de deux proches pour l’église conventuelle de Santa Maria Sopra Minerva de Rome (v. 1444-1446, perdu). Filarete loue cette œuvre où les trois hommes représentés « semblent en vie ». C’est très certainement cette capacité à saisir ses modèles au naturel qui valut à Jean Fouquet de très prestigieuses commandes par la suite en France.

 

 

Il réalisa en effet le portrait du roi Charles VII (v. 1450-1455, Musée du Louvre) et celui de Guillaume Jouvenel des Ursins (v. 1460-1465, musée du Louvre). Dans le portrait royal, le cadrage à mi-corps resserré sur le buste, l’ample pourpoint et la silhouette bien droite de Charles VII contribuent à faire de cette effigie, peut-être destinée à la chapelle royale de Bourges où elle se trouvait au début du XVIIe siècle, une représentation monumentale du « très victorieux roy de France ». Fouquet représenta également Étienne Chevalier, Trésorier de France, dans un diptyque commandé pour l’église Notre-Dame de Melun, ville d’origine de ce puissant mécène. Cette œuvre, aujourd’hui démembrée et dispersée, se déployait sur deux panneaux avec, d’un côté, le commanditaire agenouillé accompagné de son saint patron, et de l’autre, une Vierge à l’Enfant représentée sous les traits d’Agnès Sorel, la maîtresse de Charles VII. Le portrait de Guillaume Jouvenel des Ursins et celui d’Étienne Chevalier n’étaient pas des portraits autonomes mais appartenaient à la catégorie des portraits de donateurs en oraison devant une figure sacrée, représentations que l’on retrouvait souvent dans les tableaux d’autel mais également dans les livres de piété.

 

Diptyque de Melun, Jean Fouquet, v. 1452-1455, huile sur bois (chêne), 94 x 85 cm. Panneau gauche : Étienne Chevalier présenté par saint Étienne, Berlin, Staatliche Museen, Gemäldegalerie, Ident.Nr.1617.
Crédits : © Gemäldegalerie, Staatliche Museen zu Berlin, cliché Jörg P. Anders.
Panneau droit : Vierge et l’Enfant entourés d’anges, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, Anvers.
Crédits : Photo © Collection KMSKA – Communauté flamande

 

La peinture religieuse

Le corpus des tableaux d’autel du XVe siècle en Touraine est bien mince, résultat de la vague iconoclaste de 1562 et d’autres destructions successives. L’Assomption commandé en 1466 à Fouquet par l’archevêque de Tours Jean Bernard pour l’église de Candes [Les enluminures du Louvre, 2011, p.167], fait partie des nombreuses œuvres disparues. Toutefois, l’église de Nouans-les-Fontaines conserve une grande Pietà, inconnue des spécialistes jusqu’en 1931, qui fut, après de nombreux débats, attribuée à Jean Fouquet. L’histoire et la provenance de ce retable demeurent encore mystérieuses. L’identité du donateur, probablement un chanoine, reste également à définir.

 

Pietà, Jean Fouquet, v. 1460-1465, huile sur bois (noyer), 146 x 237 cm, Nouans-les-Fontaines, église paroissiale.
Crédits : Photo © Manfred Heyde / Web Gallery of Art.

 

Fouquet enlumineur

La production enluminée de Jean Fouquet a heureusement moins souffert que ses peintures sur bois. Les livres d’heures, ouvrages liturgiques destinés aux laïcs, constituent une partie importante de l’œuvre conservée. Ici également, le Tourangeau répondait à des commandes prestigieuses : parmi ses clients, nous trouvons à nouveau Étienne Chevalier, pour lequel il réalisa un livre d’heures richement illustré, mais également, les documents en témoignent [Reynaud, 1981, p. 46], Marie de Clèves, duchesse d’Orléans ou Philippe de Commines, conseiller du roi Louis XI et sénéchal du Poitou. L’enluminure était également l’occasion pour Fouquet de s’illustrer dans la peinture d’histoire. Il excellait en effet dans la représentation des couronnements (Couronnement d’Alexandre, Paris, musée du Louvre), des hauts faits militaires (Le passage du Rubicon, Paris, musée du Louvre) mais aussi d’événements contemporains, comme dans le Lit de Justice de Vendôme où il sut traduire la solennité du procès au cours duquel le duc d’Alençon fut condamné à mort pour trahison en 1458. Les ouvrages de morale et les manuscrits relatant l’histoire ancienne ou moderne étaient le plus souvent rédigés en français et avaient la faveur de commanditaires de renom comme Charles VII, destinataire probable des Grandes Chroniques de France.

 

 

La contribution de Fouquet n’était pas égale dans tous les manuscrits. Alors que Les Heures Chevaliers semblent entièrement autographes, il arrivait que l’enlumineur ne fournisse qu’une partie des illustrations. C’est le cas pour Les Heures de Simon Varye (Simon de Varie en prière devant la Vierge à l’Enfant, Los Angeles, Getty Museum) où « le maître n’apparaît qu’en qualité de personnalité invitée » [François Avril, 2003, p. 189] ou, selon un processus d’élaboration bien différent, pour l’ouvrage Des cas des nobles hommes et femmes, traduction du De Casibus de Boccace, (Munich, Bayerische Staatsbibliothek) dans lequel Fouquet peignit le Lit de justice de Vendôme en frontispice alors que le Maître du Boccace de Munich, probablement l’un de ses fils François ou Louis [cat. expo. 2003, p. 24], s’occupa du reste des images. Le cas de l’ouvrage munichois pose la question de l’atelier de Fouquet, de son fonctionnement et de la part du maître et de ses collaborateurs dans la création et l’exécution des œuvres.

 

 

Fouquet occupe une place à part dans l’histoire de la peinture française. Artiste novateur travaillant pour les plus grands, il marqua fortement les générations qui lui succédèrent. Jean Poyer et Jean Bourdichon, les deux peintres tourangeaux les plus demandés à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, furent particulièrement influencés par sa manière et puisèrent abondamment dans son répertoire.

 

Bibliographie

Avril François, Reynaud Nicole, Cordellier Dominique (dir.), Les enluminures du Louvre du Moyen Âge et Renaissance, Paris,  Musée du Louvre, Hazan, 2011, p. 167-183.
Avril François (dir.), Jean Fouquet, peintre et enlumineur du XVe siècle, catalogue de l’exposition de la BnF du 25 mars au 22 juin 2003, Paris, BnF, Hazan, 2010.
Girault Pierre-Gilles, « Quelques artistes tourangeaux et leurs clients en quête d’identité : de Jean Fouquet au Maître de Claude de France », dans Art et société à Tours au début de la Renaissance, actes du colloque du 10 mai au 12 mai 2012), Boudon-Machuel, Charron Pascale (dir.), Turnhout, Brepols, 2016, p. 94-114.
Reynaud Nicole, Jean Fouquet, catalogue de l’exposition du musée du Louvre du 16 janvier au 19 avril 1981, Paris, Éditions des Musées nationaux, 1981.


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